DIDON

DIDON

01 et 02 avril 2023

09 juin 2023

19 et 20 août 2023

Des mots à soi.

Ma rencontre avec Didon, reine de Carthage, fut de l’ordre du coup de foudre. Elle a eu lieu durant la création du spectacle Les Héroïdes mis en scène par Flavia Lorenzi d’après une œuvre d’Ovide. Dans cette création collective, les rôles furent tirés au sort. Le destin m’offrit Didon.

À la lecture du texte d’Ovide, je ne peux m’empêcher de voir un texte écrit par un homme en – 15 av JC prenant la parole au féminin. J’y lis ce que cet homme pense de ces femmes traversées par la douleur. J’ai aussitôt envie de voir ce que serait cette longue plainte sous une plume féminine, sous mon regard à moi, entremêlée de mon histoire. J’ai envie que l’on s’identifie, que l’on comprenne la trahison, la tristesse, la rage. J’ai envie de voir ce qu’il y a de Didon en moi, ce qui résonne et se réfléchit comme un miroir. J’ai envie de me laisser habiter par sa puissance, sa force et sa détermination.

Je décide de commencer l’écriture par cette rencontre, l’ouverture de l’enveloppe, la découverte. Je ne connaissais de Didon que des fragments de l’Opéra de Purcell, entendu durant « Le Crocodile Trompeur » de Samuel Achache, Jeanne Candel et Florent Hubert (Cie La vie brève). Je commence mes recherches et découvre la reine, l’amoureuse, la suicidaire. Je suis charmée par la multiplicité des versions qui me laisse libre de naviguer dans les histoires comme bon me semble. C’est une figure assez peu connue, pourtant à l’origine d’un théorème mathématique, et j’ai envie de partager mes découvertes avec mes camarades de jeu, puis avec le public.

Je pars de moi. Je me rends très poreuse, friable, vulnérable. J’aime les personnages débordés, inadaptés, hésitants, à la masse. J’aime le tragique de la vie ordinaire. Le grandiose et le pitoyable. Je me lance dans une conférence maladroite et délicieuse. Plus je raconte, plus je me rends compte de la résonnance avec mes propres ruptures, mes propres abandons. Ces lettres de femmes retranscrivent des situations mille fois entendues autour de moi. Je ressors les textos de mon ex petit ami Adrien. Et j’écris une malédiction tragique et pitoyable.

Didon · j’ai mes propres flammes est un spectacle in situ et participatif.

Cette forme courte tout terrain est pensée pour être jouée hors boîte noire et avec la participation de deux volontaires amateur·ices complices dans le public.

Note intention Alice Barbosa

In situ

En sortant de l’espace conventionnel du théâtre, cette pièce courte invite la mythologie grecque et romaine dans les champs, dans les rues, dans les écoles, les cours d’immeuble... Et transforme à la fois notre perception de l’histoire et celle de ces environnements.

L’extérieur est bavard, jouer « dehors » permet d’utiliser les imaginaires que drainent certains lieux pour nourrir texte et situation.

Ainsi, en milieu naturel (Calanques de Marseille, 13) le public pourra revivre la partie de chasse d’Énée et Didon et leur escapade dans la grotte ; un train qui passe (Le Talus, Marseille, 13) accentuera la fureur de Didon et offrira un aspect magique à sa malédiction ; debout sur une voiture, la reine de Carthage donnera l’impression de dompter un des éléphants d’Hannibal (Ambassade du Turfu, 13), ou lui procurera des allures de déesse descendant du ciel sur un char solaire (fête à Croisset, Canny-sur-Thérain, 60) ou d’un escalier géant (école Steiner, Verrières-le-Buisson, 91)…

Ici, la fiction se crée à partir du réel, sans effet ni illusion. La Grande Histoire ressemble à la petite, à la nôtre, elle en a le même décor.

Replacer ces grandes figures fictionnelles dans nos espaces quotidiens permet de s’identifier, de comprendre, de se comparer, se projeter, de se dire : « et moi qu’aurais-je fait dans cette situation ? », « comment aurais-je exprimé ma colère à ce moment-là ? ».

Adresse Directe

Jouer dans des espaces non dédiés c’est aussi aller chercher un nouveau rapport au public, plus horizontal, plus en complicité. Il n’y a pas de jeux de lumière, les regards sont échangés, les distances sont proches. La frontière scène / salle est volontairement floue, comme si le spectacle se fabriquait sur le moment, ensemble, maladroitement, de manière improvisée. La vulnérabilité est palpable. Il y a l’espace pour le public de soutenir l’actrice. L’adresse est directe, emplie de doutes et de questions ouvertes. Elle tente de faire marcher le processus d’identification pour ensuite parler aux émotions, à l’inconscient et sublimer la situation. On glisse de la conférence approximative au grand théâtre épique.

Écriture et jeu Alice Barbosa


Mise en scène Flavia Lorenzi


Dramaturgie Alice Barbosa et Flavia Lorenzi


Costumes et accessoires Charlotte Espinosa


Production Cie BrutaFlor